Les journées émergences, c’est une sorte de Ted Talk orienté bienveillance, philosophie et réflexion sur le monde actuel. Une journée rythmée par des conférences, de la musique, et même un peu de yoga en interlude (imaginez 1500 personnes prendre la posture de l’arbre dans la magnifique salle du Bozar à Bruxelles). Suivie par une matinée de méditation, le dimanche, pour ceux qui souhaitent terminer le week-end en toute sérénité. Y étaient présents cette année le moine bouddhiste Matthieu Ricard, la philosophe Pascale Seys, le neuroscientifique Albert Moukheiber, ou encore le philosophe Alexandre Jollien, parmi bien d’autres, pour une journée intense d’écoute, de réflexion et d’inspiration. J’en suis ressortie la tête en ébullition, et l’envie de partager cela avec vous.
Liberté collective vs individualiste
Peut-on vivre libre ? Quand on pense liberté, on pense souvent d’abord à soi. Je suis libre, je fais donc ce que je veux, quand je le veux. La fable de la Fontaine, le loup et le chien, démontre que la liberté choisie, même si inconfortable, vaut mieux que le confort subi et aliénant, nous rendant servile par rapport à un maître. Le maître pouvant être un proche, un employeur, une institution. La liberté tend à nous rendre individualiste car les autres ont eux, tendance à nous contraindre. J’ai moi-même beaucoup de difficulté à trancher sur ma préférence entre une vie au bureau, avec des collègues, des récompenses (teambuilding, reconnaissance, salaire), ou une vie d’indépendante plus solitaire. Je suis curieuse à ce sujet de découvrir le livre de Lauren bastide, “Enfin seule” qui a l’air de faire l’apologie d’une solitude choisie et savourée.
Pour la philosophe Pascale Seys par contre, on se réfère trop souvent au concept moderne de liberté individuelle. Quand les grecs anciens considéraient qu’être libre, c’était pouvoir participer à la vie active de la cité, en opposition à ceux qui n’en avaient pas le droit (libertas = qui n’est pas esclave). Si aujourd’hui nous avons, dans nos sociétés modernes, tous la chance d’avoir des droits, nous avons tendance à ne même plus nous y intéresser (taux de vote en chute libre) pour se replier sur notre nombril et finalement, se retrouver face à une perte de sens…. A ce sujet, Pascale nous a recommandé le livre de Pascal Chabot, un sens à la vie.
Etre libre, c’est s’empêcher
Chacun aura, de toute façon, sa propre interprétation de la liberté, mais on peut se demander à quoi bon être libre si c’est pour se couper du monde ? Je trouve que cette réflexion s’applique particulièrement bien aux temps que nous vivons aujourd’hui. Comme Mathieu Ricard le propose, ne pourrait-on pas être libres ensemble, plutôt que libres les uns contre les autres ? Etre libre, c’est s’empêcher, a dit Camus. C’est donc aussi peut-être, s’empêcher de blesser, de suivre des pulsions malfaisantes (barbarie, envie, jalousie, médisance), d’être paresseux…au profit du choix d’actions vertueuses.
L’appel de l’algorithme
Etre libre, c’est aussi s’affranchir de ce qu’on nous sert comme “bon pour nous” sur un plateau, notamment par les algorithmes. C’est ce que le journaliste Jean-Lou Fourquet nous a rappelé avec une mise en lumière de la puissance des algorithmes, qu’il traite dans cet ouvrage, comme celui de Tik Tok qui nous déverse un flot de contenus “made for you” en s’adressant à nos instincts les plus basiques plutôt qu’en tenant compte de nos réels centres d’intérêts. A force de regarder des vidéos de chats, de skateboard ou de cuisine en boucle, que va devenir notre esprit critique ? Quelle place pour l’information, la connaissance, la réflexion ? D’où l’importance de faire le choix de ce qu’on regarde plutôt que de se laisser happer par les sirènes algorithmiques.
Libre arbitre ou déterminisme
Certains aiment croire que notre destin est tout tracé et que quoi que l’on fasse, nous n’avons pas ou peu d’impact sur les évènements qui nous traversent. Ce mode de pensée s’appelle le déterminisme. D’autres croient fondamentalement dans le pouvoir de l’action, et donc, au libre arbitre. Libre à chacun de croire à l’un ou à l’autre. Mais croire au libre arbitre permet de se créer la vie qui nous convient vraiment, d’oser, et d’assumer ses choix, quand le déterministe subira davantage une vie qu’il n’a pas l’impression d’avoir choisie. L’intervention de Stéphanie Bodet, championne d’escalade, nous a montré en mots et en images comment, en ayant rien qui la prédestinait à cette carrière, elle s’était créée une vie libre, sur mesure, en suivant l’appel de la roche, l’amenant toujours plus loin et toujours plus haut. Mais pas seule : elle a dû s’entourer des meilleurs pour arriver au sommet. Ce qui fait écho au concept de liberté collective, qui est pour moi le concept à retenir de cette journée.
Cette newsletter touche à sa fin, merci à vous si vous m’avez suivie dans cette réflexion sur la liberté. Ma liberté, j’y tiens dur comme fer et j’ai parfois du mal à me plier aux injonctions, ce qui me joue des tours – et j’en suis consciente. J’essaye de toutes mes forces de la préserver mais je suis aussi sensible à celle des autres, y compris chaque être vivant. Il s’agit sans doute de ce que l’on possède tous, de plus précieux, et ce pour quoi nous devrons le plus nous battre tout au long de notre vie. Ne l’oublions pas 😉
Pour pousser la réflexion plus loin, je vous invite à découvrir ma sélection des ouvrages des orateurs présents samedi :
- Albert Moukheiber, le vrai du faux sur votre cerveau : https://www.fr.fnac.be/a19340158/Albert-Moukheiber-Neuromania-Le-vrai-du-faux-sur-votre-cerveau
- Pascale Seys, le complexe du Sphynx : https://www.fr.fnac.be/a17351432/Pascale-Seys-Le-complexe-du-sphinx
- Jean-Lou Fourquet, la dictature des algorithmes : https://www.fr.fnac.be/a19369495/Jean-Lou-Fourquet-La-Dictature-des-algorithmes
- Alexandre Jollien (avec Christophe André et Matthieu Ricard), A nous la liberté https://www.babelio.com/livres/Andre–nous-la-liberte-/1101457

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